Article 2 : Comment co-construire un référentiel de compétences ?

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"Un référentiel de compétences ne devient un levier pédagogique que lorsqu’il est co-construit avec celles et ceux qui le feront vivre au quotidien.
nfographie illustrant les avantages et enjeux de la co-construction d’un référentiel de compétences : démarche collaborative, appropriation, expertise croisée, légitimité, mobilisation et adaptation aux évolutions des métiers.

 

La co-construction d’un référentiel de compétences est aujourd’hui un levier stratégique incontournable pour garantir l’alignement pédagogique, la pertinence métier et l’appropriation par les équipes de formation.

1. L’importance d’une démarche collaborative

1.1 Pourquoi la co-construction est indispensable

Dans notre premier article, nous avons exploré l’importance de clarifier les concepts et de partager un vocabulaire commun en matière de compétences. Cette clarification, bien qu’essentielle, ne suffit pas à garantir la pertinence et l’opérationnalité d’un référentiel. Pour qu’un référentiel de compétences devienne véritablement un levier de transformation pédagogique, il doit être le fruit d’une co-construction impliquant l’ensemble des parties prenantes.
 
La co-construction d’un référentiel de compétences n’est pas un simple exercice participatif ou une concession à l’air du temps. Il s’agit d’une condition sine qua non de la réussite de votre démarche, et ce pour plusieurs raisons fondamentales :
 
La richesse des expertises croisées
 
Aucun acteur ne possède, à lui seul, l’ensemble des perspectives nécessaires à l’élaboration d’un référentiel pertinent. Les formateurs connaissent les réalités pédagogiques, les professionnels maîtrisent les exigences du terrain, les responsables pédagogiques appréhendent les contraintes institutionnelles, et les apprenants eux-mêmes ont une vision unique de leur parcours d’apprentissage.

Exemple concret : Dans un institut de formation aux métiers du social, un référentiel de compétences initialement conçu par la seule équipe de direction s’est révélé déconnecté des réalités de terrain. Les travailleurs sociaux consultés ultérieurement ont pointé l’absence de compétences essentielles liées à la gestion de l’urgence et aux nouvelles problématiques numériques. Cette omission a nécessité une refonte complète du référentiel, génératrice de retards et de tensions.

L’appropriation par les acteurs de terrain
Un référentiel imposé d’en haut, aussi brillamment conçu soit-il, risque fort de rester lettre morte. À l’inverse, lorsque les formateurs et autres parties prenantes participent activement à son élaboration, ils développent un sentiment d’appartenance et une compréhension profonde qui facilitent grandement sa mise en œuvre.

Exemple concret : Une école d’ingénieurs avait soigneusement élaboré un nouveau référentiel basé sur l’approche par compétences. Cependant, n’ayant impliqué que quelques enseignants dans la démarche, elle s’est heurtée à une résistance passive de la part du corps professoral. Deux ans après son lancement, les pratiques d’enseignement et d’évaluation restaient largement inchangées. L’école a dû organiser des ateliers de co-construction a posteriori pour favoriser l’appropriation du référentiel, perdant ainsi un temps précieux.

La légitimité du dispositif
Face aux apprenants, aux instances de certification ou aux partenaires professionnels, un référentiel co-construit bénéficie d’une légitimité bien supérieure. Il peut s’appuyer sur l’expertise reconnue des différents contributeurs, renforçant ainsi sa crédibilité et son acceptabilité.

Exemple concret : Un organisme de formation professionnelle a vu sa demande d’enregistrement au RNCP initialement rejetée, notamment en raison de doutes sur l’adéquation entre les compétences visées et les besoins du marché. Pour son second dépôt, l’organisme a constitué un comité professionnel représentatif qui a participé activement à la refonte du référentiel. Cette démarche, documentée dans le dossier, a largement contribué à l’acceptation de la certification.

L’adaptation aux évolutions rapides des métiers
 
Dans un monde professionnel en mutation constante, la co-construction permet d’intégrer les dernières évolutions des compétences requises. Les professionnels en activité sont souvent les premiers à percevoir les transformations de leur secteur et peuvent ainsi enrichir le référentiel d’éléments prospectifs.

Exemple concret : Une école de commerce spécialisée dans le marketing digital a mis en place un conseil de perfectionnement incluant des professionnels du secteur qui se réunit deux fois par an. Ce dispositif a permis d’intégrer rapidement dans le référentiel des compétences émergentes comme « l’optimisation pour la recherche vocale » ou « l’analyse prédictive basée sur l’IA », bien avant que ces sujets ne deviennent incontournables.

1.2 Les défis de la co-construction

Si la co-construction d’un référentiel de compétences présente des avantages indéniables, elle comporte également son lot de défis qu’il convient d’anticiper :

La mobilisation des acteurs
L’un des premiers obstacles réside dans la difficulté à réunir des acteurs aux agendas chargés et aux priorités diverses. Les professionnels en activité, notamment, peuvent peiner à se libérer pour participer aux travaux.

Exemple concret : Un CFA du secteur de l’hôtellerie-restauration souhaitait impliquer des chefs d’entreprise dans la refonte de son référentiel. Face aux contraintes horaires de ces professionnels, il a dû repenser son approche en organisant des entretiens individuels courts (45 minutes) directement sur le lieu de travail, complétés par des questionnaires en ligne, plutôt que des réunions collectives chronophages.

L’hétérogénéité des visions
 
Les différentes parties prenantes peuvent avoir des conceptions divergentes des compétences prioritaires ou de leur formulation. Ces désaccords, s’ils ne sont pas correctement gérés, risquent de bloquer le processus ou de conduire à un référentiel incohérent.

Exemple concret : Dans une formation d’éducateurs spécialisés, les formateurs insistaient sur les compétences réflexives et théoriques, tandis que les professionnels de terrain privilégiaient les compétences opérationnelles immédiates. Cette tension a nécessité un travail approfondi de médiation et d’articulation pour aboutir à un référentiel équilibré, intégrant à la fois la dimension réflexive et la dimension opérationnelle de chaque compétence.

La complexité de la coordination
 
La multiplication des contributeurs implique une coordination rigoureuse pour maintenir la cohérence d’ensemble et respecter les délais. Sans méthodologie claire, la co-construction peut s’enliser dans des débats sans fin.

Exemple concret : Une école d’ingénieurs avait lancé un vaste chantier de refonte de ses référentiels, impliquant plus de 80 personnes réparties en 12 groupes de travail. L’absence de cadre méthodologique commun et de coordination centrale a conduit à des productions hétérogènes et parfois contradictoires. L’établissement a dû recruter un ingénieur pédagogique dédié pour harmoniser les travaux et proposer une synthèse cohérente, retardant de plusieurs mois la finalisation du référentiel.
Le risque d’usure
 
Les démarches de co-construction peuvent s’étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années pour les dispositifs complexes. Ce temps long peut générer une lassitude chez les participants et une perte de dynamique collective.

Exemple concret : Un institut universitaire technologique avait prévu deux ans pour refondre l’ensemble de ses référentiels. Au bout de 18 mois, l’équipe constatait une baisse significative de la participation aux réunions et une diminution de la qualité des contributions. Pour remobiliser les acteurs, l’institut a organisé une journée de valorisation des premiers résultats, présentant concrètement comment les référentiels déjà finalisés transformaient positivement les pratiques pédagogiques.

2. Les méthodes de co-construction éprouvées

Face à ces défis, plusieurs approches méthodologiques ont fait leurs preuves. L’art de la co-construction réside dans le choix et l’articulation des méthodes les plus adaptées à votre contexte spécifique.

2.1 Les ateliers collaboratifs : le cœur du dispositif

Les ateliers collaboratifs constituent la méthode la plus complète pour co-construire un référentiel. Ils permettent des échanges riches et des productions collectives directement exploitables.
 
Principes clés
 
Pour être efficaces, ces ateliers doivent respecter plusieurs principes :
  • Ciblage : chaque atelier traite un périmètre précis (un bloc de compétences, un domaine professionnel)
  • Composition mixte : inclusion de profils variés (formateurs, professionnels, apprenants, etc.)
  • Animation structurée : un cadre méthodologique clair et un animateur expérimenté
  • Production concrète : des livrables définis à l’avance et réalisés en séance
  • Documentation : une trace écrite des échanges et des décisions pour capitalisation
Méthodologie détaillée
Un atelier collaboratif typique pourrait se dérouler ainsi :
  1. Phase d’exploration (45-60 min)
    • Brainstorming sur les situations professionnelles clés du domaine
    • Identification des ressources mobilisées (savoirs, savoir-faire, attitudes)
    • Partage d’expériences concrètes
  1. Phase de structuration (60-90 min)
    • Regroupement et catégorisation des éléments identifiés
    • Formulation préliminaire des compétences
    • Hiérarchisation et mise en relation
  1. Phase de formalisation (45-60 min)
    • Rédaction précise des compétences selon un format standardisé
    • Ébauche des critères d’évaluation associés
    • Vérification de la cohérence d’ensemble
Exemple concret : Un organisme de formation aux métiers de la cybersécurité a organisé une série de 5 ateliers collaboratifs, chacun dédié à un domaine spécifique (analyse de risques, protection des infrastructures, gestion des incidents, etc.). Chaque atelier réunissait :

  • 2 formateurs spécialistes du domaine
  • 3 professionnels en activité (responsables sécurité, consultants, auditeurs)
  • 1 ancien apprenant récemment entré dans la vie professionnelle
  • 1 responsable pédagogique assurant la cohérence d’ensemble

L’animation suivait une méthodologie inspirée du design thinking, partant des situations problématiques rencontrées par les professionnels pour identifier les compétences critiques. Chaque atelier produisait une fiche détaillée par compétence, incluant une description précise, des critères d’évaluation et des exemples de mise en situation professionnelle.
Facteurs de succès
 
L’expérience montre que plusieurs facteurs augmentent considérablement l’efficacité des ateliers collaboratifs :
  • Préparation en amont : envoi d’éléments de réflexion aux participants (exemples de situations professionnelles, panorama du secteur, etc.)
  • Environnement propice : espace adapté au travail en groupe, supports visuels, outils collaboratifs
  • Définition claire des rôles : animateur, rapporteur, expert ressource, etc.
  • Alternance des modalités : travail individuel, en sous-groupes et en plénière
  • Valorisation immédiate : mise au propre et diffusion rapide des productions

2.2 Les comités de pilotage : garants de la cohérence globale

Au-delà des ateliers collaboratifs qui traitent de segments spécifiques du référentiel, un comité de pilotage assure la vision d’ensemble et la cohérence globale.
 
Composition optimale
 
Un comité de pilotage efficace devrait idéalement inclure :
  • Direction pédagogique : pour garantir l’alignement avec la stratégie de l’établissement
  • Coordonnateurs de formation : pour leur vision transversale des parcours
  • Représentants des formateurs : pour assurer le lien avec les réalités pédagogiques
  • Professionnels : pour valider la pertinence des compétences visées
  • Experts en ingénierie pédagogique : pour apporter une expertise méthodologique
  • Responsable qualité/certification : pour veiller aux exigences réglementaires
Missions essentielles
 
Le comité de pilotage remplit plusieurs fonctions déterminantes :
  • Cadrage méthodologique : définition du format des compétences, taxonomie utilisée, etc.
  • Coordination des groupes de travail : planning, répartition des tâches, suivi d’avancement
  • Arbitrage : résolution des points de divergence entre groupes de travail
  • Validation progressive : examen et validation des productions intermédiaires
  • Cohérence globale : vérification des articulations entre blocs de compétences
  • Communication : diffusion régulière d’informations sur l’avancement du projet
Exemple concret : Une école d’ingénieurs en informatique a mis en place un comité de pilotage pour superviser la refonte complète de son référentiel. Ce comité, qui se réunissait une fois par mois, a notamment :
  • Élaboré un guide méthodologique détaillant les principes de rédaction des compétences
  • Défini une matrice d’évolution des compétences sur les 3 années du cursus
  • Arbitré entre des visions divergentes sur le poids relatif des compétences techniques et transversales
  • Vérifié la progression cohérente des niveaux d’exigence entre le L1 et le L3
  • Organisé des points d’étape réguliers avec l’ensemble des parties prenantes
Grâce à ce pilotage rigoureux, l’école a pu finaliser son référentiel en 10 mois, respectant ainsi son calendrier initial malgré la complexité du projet.

2.3 Les enquêtes et questionnaires : élargir la consultation

Pour compléter les ateliers et impliquer un plus grand nombre d’acteurs, les enquêtes et questionnaires offrent une solution efficace, particulièrement adaptée aux parties prenantes difficiles à mobiliser en présentiel.
 
Types d’enquêtes pertinentes
 
Plusieurs formats peuvent être envisagés selon vos objectifs :
  • Enquêtes exploratoires : en amont du processus, pour identifier les compétences émergentes ou les évolutions du secteur
  • Questionnaires de validation : pour recueillir des avis sur des propositions déjà formulées
  • Études de priorisation : pour hiérarchiser les compétences selon leur importance perçue
  • Consultations ciblées : pour approfondir des points spécifiques auprès d’experts reconnus
Principes méthodologiques
Pour obtenir des résultats exploitables, quelques principes doivent être respectés :
  • Concision : un questionnaire court (15-20 minutes maximum) favorise le taux de réponse
  • Clarté : des questions simples et sans ambiguïté
  • Équilibre : alterner questions fermées (quantifiables) et ouvertes (qualitatives)
  • Contextualisation : fournir suffisamment d’informations pour que les répondants comprennent l’objectif
  • Anonymat possible : pour favoriser la liberté d’expression sur des sujets sensibles
Exemple concret : Un CFA du secteur automobile a utilisé une stratégie d’enquête en trois temps pour alimenter la refonte de son référentiel :
  1. Enquête exploratoire auprès de 50 entreprises partenaires : questionnaire court (10 questions) sur les évolutions technologiques du secteur et les nouvelles compétences requises
  2. Consultation approfondie de 15 maîtres d’apprentissage : entretiens semi-directifs d’une heure sur les forces et faiblesses observées chez les apprentis
  1. Questionnaire de validation auprès de l’ensemble des formateurs et d’un panel d’apprentis : évaluation de la pertinence et de la clarté des compétences proposées
Cette approche a permis d’identifier des compétences émergentes (diagnostic électronique avancé, maintenance des véhicules hybrides et électriques) et de reformuler certaines compétences traditionnelles à la lumière des évolutions technologiques.
Exploitation des résultats
 
La valeur d’une enquête réside autant dans la qualité des questions que dans l’exploitation méthodique des réponses :
  • Analyse quantitative : statistiques descriptives, identification des tendances majoritaires
  • Analyse qualitative : codage thématique des réponses ouvertes, repérage des verbatims significatifs
  • Croisements : comparaison des perspectives selon les profils de répondants
  • Synthèse visuelle : graphiques, nuages de mots ou cartes mentales pour faciliter l’appropriation
  • Restitution transparente : partage des résultats avec les participants pour maintenir l’engagement

2.4 Les entretiens d’experts : approfondir les zones complexes

 Pour certaines compétences particulièrement complexes ou émergentes, les entretiens individuels avec des experts reconnus constituent un complément précieux aux méthodes collectives.

 
Identification des experts pertinents

 

La qualité des entretiens dépend largement du choix judicieux des experts :

 

  • Professionnels de haut niveau : praticiens reconnus dans leur domaine
  • Experts prospectifs : personnes capables d’anticiper les évolutions du secteur
  • Spécialistes académiques : chercheurs travaillant sur des compétences émergentes
  • Recruteurs : professionnels RH ayant une vision claire des compétences recherchées
  • Anciens diplômés expérimentés : personnes pouvant faire le lien entre formation et réalité professionnelle

 

Conduite efficace des entretiens

 

Pour maximiser la valeur des entretiens d’experts, plusieurs techniques ont fait leurs preuves :

 

  • Préparation documentée : envoi préalable d’éléments de réflexion et d’ébauches à commenter
  • Technique d’entretien d’explicitation : faire décrire des situations professionnelles concrètes plutôt que des généralités
  • Questionnement critique : challenger les évidences pour faire émerger les compétences implicites
  • Projection dans le futur : interroger sur les compétences qui seront cruciales à horizon 3-5 ans
  • Formalisation immédiate : synthétiser les apports clés directement après l’entretien

 

Exemple concret : Pour élaborer le référentiel d’un nouveau Master en IA éthique, une université a conduit une série d’entretiens approfondis avec 12 experts :

 

  • 3 chercheurs en IA de laboratoires reconnus
  • 2 ingénieurs travaillant sur des projets d’IA dans des grands groupes
  • 2 entrepreneurs ayant créé des start-ups dans le domaine
  • 2 juristes spécialisés dans les questions d’éthique numérique
  • 1 philosophe des sciences et des technologies
  • 2 responsables de transformation numérique dans des organisations diverses

 

Ces entretiens ont permis d’identifier des compétences émergentes rarement mentionnées dans les référentiels existants, comme « Concevoir des systèmes d’IA explicables » ou « Évaluer les biais potentiels des algorithmes ». Chaque compétence a été ensuite détaillée avec l’aide des experts, qui ont également contribué à la définition de critères d’évaluation pertinents.

3. Premier aperçu des critères d’évaluation

La co-construction d’un référentiel de compétences ne se limite pas à la formulation des compétences. Elle doit également aborder, dès cette phase, la question cruciale des critères d’évaluation. En effet, ces critères constituent le pont entre les compétences théoriques et leur observation concrète en situation.

3.1 Qu’est-ce qu’un bon critère d’évaluation ?

Un critère d’évaluation pertinent doit posséder plusieurs caractéristiques essentielles :
 
Observable et mesurable
 
Le critère doit pouvoir être constaté directement par l’évaluateur, sans ambiguïté ni interprétation excessive.
Exemple : Pour la compétence « Conduire un entretien de vente », un critère comme « Écoute active du client » reste trop vague. Il devient observable si on le reformule en « Reformule les besoins exprimés par le client avant de proposer une solution ».

Univoque
 
Le critère doit être compris de la même façon par tous les évaluateurs, limitant ainsi les variations d’interprétation.

Exemple : Pour la compétence « Rédiger un rapport technique », un critère comme « Qualité de la rédaction » est sujet à interprétation. « Absence d’erreurs orthographiques et grammaticales » ou « Structure en parties clairement identifiées avec introduction et conclusion » sont des formulations plus univoques.

Pertinent
 
Le critère doit être directement relié à la compétence évaluée et constituer un indicateur fiable de sa maîtrise.

Exemple : Pour évaluer la compétence « Gérer un projet digital », un critère comme « Utilisation d’un logiciel de gestion de projet » n’est pas suffisamment pertinent, car il porte sur un outil et non sur la compétence elle-même. « Élaboration d’un planning réaliste intégrant les dépendances entre tâches » serait plus pertinent.

Adapté au niveau visé
 
Le critère doit refléter le niveau d’exigence approprié pour le stade de formation concerné.
Exemple : Pour la compétence « Développer en JavaScript », les critères d’évaluation seront très différents entre le niveau débutant (« Le code produit le résultat attendu ») et le niveau avancé (« Le code est optimisé en termes de performance et respecte les bonnes pratiques de sécurité »).

3.2 Typologies de critères à co-construire

Dans la démarche de co-construction, il est utile de distinguer plusieurs types de critères, qui peuvent être élaborés par différents groupes de travail ou lors de phases distinctes.
 
Critères de réalisation
 
Ils décrivent les conditions dans lesquelles la compétence doit être mise en œuvre. Ces critères sont souvent définis avec l’apport essentiel des professionnels.
Exemples :
  • « Dans un délai de 30 minutes »
  • « En utilisant exclusivement les outils disponibles dans l’environnement professionnel standard »
  • « Face à un client anglophone »
  • « Dans le respect des normes de sécurité en vigueur »
Critères de performance
 
Ils définissent le niveau de qualité attendu dans la réalisation. Ils bénéficient particulièrement de l’expertise conjointe des formateurs et des professionnels.
Exemples :
  • « Sans erreur de calcul »
  • « Avec un taux de satisfaction client supérieur à 80% »
  • « En générant une économie d’énergie mesurable »
  • « De manière à obtenir une adhésion de l’équipe »
Critères de conformité
 
Ils vérifient le respect des normes, procédures ou standards applicables. Ils sont souvent définis avec l’apport d’experts techniques ou réglementaires.
Exemples :
  • « Conformément aux normes RGPD »
  • « En respectant la charte graphique de l’entreprise »
  • « Selon les procédures ISO 9001 »
  • « En accord avec le code de déontologie professionnelle »

3.3 La co-construction des critères en pratique

Comment organiser concrètement la co-construction des critères d’évaluation ? Plusieurs approches complémentaires peuvent être combinées :

L’analyse de situations professionnelles types
 
Cette méthode consiste à identifier, avec les professionnels, des situations représentatives où la compétence est mobilisée, puis à déterminer comment on reconnaît, dans ces situations, qu’un professionnel est compétent.
Exemple concret : Pour la compétence « Gérer une réclamation client », un atelier a réuni trois responsables service client et deux formateurs. Ensemble, ils ont analysé cinq situations typiques de réclamation, de la plus simple à la plus complexe. Pour chacune, ils ont listé les comportements et résultats qui distinguent une gestion professionnelle d’une gestion approximative. Cette analyse a permis d’identifier des critères comme « Reformulation de la réclamation validée par le client », « Proposition d’une solution dans le respect des procédures internes » ou « Obtention d’un accord explicite du client sur la résolution proposée ».
Les groupes de consensus
 
Cette approche réunit des évaluateurs expérimentés qui confrontent leurs pratiques et critères implicites pour les formaliser et les harmoniser.
Exemple concret : Dans un institut de formation en soins infirmiers, les tuteurs de stage avaient des approches très diverses de l’évaluation des compétences pratiques. Un groupe de consensus a été créé, réunissant 8 tuteurs, 2 formateurs de l’institut et 1 cadre de santé. Sur la base de vidéos de situations de soins, ils ont explicité leurs critères d’évaluation personnels, puis ont négocié collectivement une grille commune. Ce travail a permis d’harmoniser considérablement les pratiques d’évaluation en stage.
Les tests en situation réelle
 
Cette méthode consiste à expérimenter des critères provisoires dans des situations d’évaluation réelles, puis à les ajuster en fonction des difficultés rencontrées.
Exemple concret : Une école de commerce a élaboré une première version de critères d’évaluation pour les compétences en négociation commerciale. Ces critères ont été testés lors d’une session de jeux de rôle filmés avec des étudiants volontaires. Trois évaluateurs ont utilisé la grille indépendamment, puis ont comparé leurs notations. Les écarts significatifs ont révélé les critères ambigus ou difficiles à observer, conduisant à une reformulation plus précise.

4. Organisation pratique de la co-construction

4.1 Planification stratégique du processus

La co-construction d’un référentiel de compétences est un projet qui nécessite une planification rigoureuse. Voici les étapes clés à considérer :
 
Phase préparatoire (1-2 mois)
  • Constitution du comité de pilotage
  • Élaboration de la méthodologie et des outils
  • Identification et mobilisation des parties prenantes
  • Formation des animateurs d’ateliers
Phase d’exploration (2-3 mois)
  • Analyse documentaire (référentiels existants, études sectorielles)
  • Entretiens exploratoires avec des experts
  • Enquête large auprès des professionnels
  • Benchmark des formations similaires
Phase de co-construction (3-6 mois)
  • Ateliers collaboratifs par bloc de compétences
  • Synthèse et formalisation progressive
  • Validation intermédiaire par le comité de pilotage
  • Ajustements itératifs
Phase de finalisation (1-2 mois)
  • Harmonisation globale du référentiel
  • Validation finale par les instances compétentes
  • Élaboration des documents de communication
  • Préparation du déploiement opérationnel
Exemple concret : Un institut de formation en travail social a planifié la refonte de son référentiel sur 10 mois, avec un rétro-planning précis :
  • Mois 1-2 : Constitution de l’équipe projet, analyse de l’existant, benchmark
  • Mois 3 : Enquête en ligne auprès des diplômés et employeurs (219 réponses)
  • Mois 4-7 : Cycle de 12 ateliers collaboratifs (3 par bloc de compétences)
  • Mois 7-8 : Synthèse et harmonisation, élaboration des critères d’évaluation
  • Mois 9 : Consultation finale des parties prenantes, ajustements
  • Mois 10 : Validation par le conseil pédagogique, préparation du déploiement
Ce calendrier permet de maintenir la dynamique tout en respectant les contraintes des différents acteurs.

4.2 Outils et supports pour faciliter la co-construction

La qualité de la co-construction dépend largement des outils mis à disposition des participants. Plusieurs types de supports peuvent faciliter le processus :

Templates et canevas

Des modèles standardisés pour la description des compétences et des critères assurent l’homogénéité des productions et facilitent le travail des contributeurs.

 

Exemple : Une école d’ingénieurs a développé une « fiche compétence » structurée comportant les rubriques suivantes :
  • Intitulé de la compétence (verbe d’action + complément + contexte)
  • Niveau taxonomique (selon Bloom révisé)
  • Description détaillée
  • Ressources mobilisées (savoirs, savoir-faire, attitudes)
  • Situations professionnelles typiques
  • Critères d’évaluation
  • Modalités d’évaluation recommandées
  • Liens avec d’autres compétences

 

Plateforme collaborative

Un espace numérique partagé facilite la collaboration asynchrone et la capitalisation des travaux.

 

Exemple concret : Un organisme de formation a utilisé une combinaison d’outils numériques pour faciliter la co-construction :
  • Un espace SharePoint pour centraliser tous les documents de référence
  • Des tableaux Miro pour les ateliers collaboratifs (virtuels ou hybrides)
  • Un forum de discussion par bloc de compétences pour poursuivre les échanges entre les ateliers
  • Un tableau de bord partagé indiquant l’avancement de chaque groupe de travail

Cette infrastructure digitale a permis de maintenir la dynamique collective malgré les contraintes géographiques et temporelles des participants.

 

Supports visuels

Les représentations visuelles facilitent la compréhension et l’appropriation collective des travaux.

 

Exemple concret  : Un CFA multimétiers a développé plusieurs outils visuels pour faciliter la co-construction :
  • Une cartographie des situations professionnelles sous forme d’infographie
  • Un « arbre des compétences » montrant les liens hiérarchiques entre compétences et sous-compétences
  • Des matrices croisées compétences/modules de formation pour visualiser la couverture pédagogique
  • Des code-couleurs par niveau taxonomique pour distinguer visuellement les niveaux d’exigence

 

Ces outils visuels ont considérablement facilité la compréhension partagée et ont permis de repérer rapidement les incohérences ou les manques dans le référentiel en construction.

 

4.3 Animation efficace des travaux collectifs

La qualité de l’animation est déterminante pour la réussite de la co-construction. Plusieurs principes peuvent guider cette animation :

Cadrage initial rigoureux

Chaque temps collectif doit commencer par un cadrage précis des objectifs, des méthodes et des livrables attendus.

Exemple concret : Une école d’architecture commençait systématiquement ses ateliers de co-construction par un temps de 15 minutes dédié au cadrage : rappel des travaux précédents, objectifs spécifiques de la séance, méthode de travail, résultats attendus et suite du processus. Ce rituel assurait une efficacité immédiate et une continuité dans les travaux.

Équilibre des temps de parole

L’animateur doit veiller à ce que toutes les parties prenantes puissent exprimer leur point de vue, en contenant les participants dominants et en sollicitant les plus réservés.

Exemple concret : Pour éviter que les ateliers soient dominés par les formateurs ou les responsables hiérarchiques, un institut de formation utilisait systématiquement des techniques d’animation favorisant la participation équilibrée : tours de table structurés, temps de réflexion individuelle avant les échanges collectifs, utilisation de post-it anonymes pour les propositions initiales, etc.

Gestion constructive des divergences

Les désaccords sont inévitables et même souhaitables dans une démarche de co-construction. L’enjeu est de les transformer en opportunités d’enrichissement mutuel.

Exemple concret : Lors de la refonte du référentiel d’une formation en management, un désaccord profond est apparu entre académiques et professionnels sur l’importance relative des compétences analytiques et relationnelles. Plutôt que de chercher un compromis flou, l’animateur a proposé un exercice structuré : chaque « camp » a dû argumenter du point de vue de l’autre pendant 15 minutes. Cet exercice d’empathie a conduit à une solution innovante : l’intégration systématique des deux dimensions dans chaque compétence, plutôt que leur séparation artificielle.

Documentation en temps réel

La capture immédiate des contributions et des décisions est essentielle pour maintenir la dynamique et assurer la traçabilité du processus.

Exemple concret : Dans un grand organisme de formation, chaque atelier de co-construction bénéficiait d’un binôme d’animation : un facilitateur concentré sur les échanges et un documentaliste chargé de saisir en direct les propositions, de les projeter pour validation collective, et de finaliser le compte-rendu dans les 48 heures suivant l’atelier. Cette méthode a considérablement accéléré le processus global et réduit les malentendus.

5. Communication et mobilisation autour de la démarche

5.1 Stratégie de communication interne

La réussite d’une démarche de co-construction dépend largement de la qualité de la communication qui l’accompagne. Plusieurs principes peuvent guider cette stratégie :

Communication continue et transparente

Informer régulièrement l’ensemble des acteurs, y compris ceux qui ne participent pas directement aux travaux, favorise l’adhésion et prépare l’appropriation ultérieure.

Exemple concret : Une école de management a mis en place un blog interne dédié à la refonte de son référentiel. Actualisé chaque semaine, il présentait l’avancement des travaux, les décisions prises, des interviews de participants, et répondait aux questions fréquentes. Cette transparence a considérablement réduit les résistances habituellement observées face au changement.

Valorisation des contributions

Reconnaître publiquement l’apport de chaque partie prenante renforce la motivation et l’engagement des contributeurs.

Exemple concret : Un CFA du bâtiment a systématiquement mentionné nominativement les contributeurs à chaque bloc de compétences dans son référentiel final. De plus, un événement spécifique a été organisé pour remercier l’ensemble des participants, avec remise d’un certificat de contribution signé par la direction. Cette reconnaissance symbolique a eu un impact significatif sur l’implication des professionnels du secteur.

Points d’étape réguliers

Organiser des moments de partage plus larges que les seuls groupes de travail permet de maintenir l’intérêt collectif et de recueillir des retours intermédiaires précieux.

Exemple concret : Une université a organisé trois « forums du référentiel » au cours de son processus de refonte : après la phase d’exploration, à mi-parcours de la co-construction, et avant la finalisation. Ces événements ouverts à tous (enseignants, personnels administratifs, étudiants, partenaires) permettaient de présenter l’état d’avancement, d’échanger sur les orientations prises et de recueillir des suggestions. Ces temps forts ont considérablement fluidifié l’adoption ultérieure du référentiel.

5.2 Préparation de l’appropriation ultérieure

La co-construction ne s’arrête pas à la validation du référentiel. Il est essentiel de préparer, dès cette phase, son appropriation opérationnelle par l’ensemble des acteurs.

Identification des « ambassadeurs« 

Repérer et accompagner des personnes relais qui pourront promouvoir et expliquer le référentiel dans leurs équipes ou leurs réseaux.

Exemple concret : Un institut de formation professionnelle a identifié, parmi les participants aux ateliers de co-construction, 8 « ambassadeurs du référentiel » (4 formateurs et 4 professionnels). Ces personnes ont bénéficié d’une formation approfondie sur le référentiel et les outils associés, et ont été chargées d’animer des ateliers d’appropriation auprès de leurs pairs. Cette démultiplication a permis une diffusion rapide et une compréhension partagée du nouveau cadre de compétences.

Documentation pédagogique

Préparer des supports explicatifs adaptés aux différents utilisateurs du référentiel.

Exemple concret : Une école d’ingénieurs a développé trois versions de son référentiel :
  • Une version exhaustive et technique pour les responsables pédagogiques
  • Une version simplifiée et opérationnelle pour les formateurs
  • Une version illustrée et concrète pour les étudiants et les entreprises

Cette déclinaison a permis à chaque public de s’approprier le référentiel selon ses besoins et son niveau d’expertise, tout en garantissant la cohérence d’ensemble.

Planification des formations

Anticiper les besoins de formation des équipes pour utiliser efficacement le référentiel dans leurs pratiques quotidiennes.

Exemple concret : Un organisme de formation aux métiers du numérique a intégré, dès la phase de co-construction, la conception d’un parcours de formation destiné aux formateurs et tuteurs. Ce parcours, déployé juste après la validation du référentiel, comprenait :
  • Un module e-learning de présentation générale (2h)
  • Un atelier présentiel sur l’évaluation par compétences (1 jour)
  • Un accompagnement individualisé pour l’adaptation des cours (3h par formateur)
  • Des communautés de pratique par domaine de compétences
Cette approche proactive a permis une mise en œuvre rapide et qualitative du nouveau référentiel.

Conclusion : Des fondations solides pour votre référentiel

La co-construction d’un référentiel de compétences représente un investissement significatif, mais cet effort initial génère des bénéfices durables pour l’ensemble de votre dispositif de formation.

 

En impliquant toutes les parties prenantes dans une démarche structurée et collaborative, vous ne vous contentez pas de produire un document de qualité : vous créez les conditions de son appropriation et de son utilisation effective par les équipes pédagogiques.

 

Cette approche participative permet également d’ancrer solidement votre référentiel dans les réalités professionnelles du secteur, garantissant ainsi sa pertinence et sa légitimité auprès des apprenants comme des employeurs.


La co-construction pose ainsi les fondations indispensables à l’étape suivante : la définition précise des critères d’évaluation qui permettront de mesurer objectivement l’acquisition des compétences par les apprenants.

Pour aller plus loin

 

Pour vous accompagner dans votre démarche de co-construction, Eduxim met à votre disposition :

 

  • Un guide méthodologique détaillant les étapes clés d’une co-construction réussie
  • Des templates d’animation pour vos ateliers collaboratifs
  • Notre expertise en facilitation pour animer vos travaux collectifs

 

N’hésitez pas à nous contacter pour échanger sur vos besoins spécifiques ou pour obtenir ces ressources.

 

À suivre dans notre prochain article : « Mise en place et ajustement continu des critères d’évaluation » — Découvrez comment définir des critères d’évaluation pertinents, mesurables et adaptés à chaque compétence, pour garantir une évaluation objective et formatrice.1
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